Dimanche 6 mars 7 06 /03 /Mars 14:30

Matéo est soufflé par l’impression d’immensité dès qu’il entame ses premiers pas dans cette grande bâtisse. Rien que le hall d’entrée est au moins aussi vaste que la moitié de leur appartement de Nancy Banlieue. Et là il se dit qu’il n’a vu qu’une infime partie richement meublée et formidablement décorée, à la fois classique ancien et d’un modernisme à couper le souffle. Il se sent subitement tout humble et petit dans cette immensité. Le plus impressionnant est cette hauteur de plafond qui semble s’arrêter au toit, formant un puits de lumière qui embrase toute la salle.

– Waow ! Ne peut-il contenir.

– Ne sois pas impressionné mon garçon, dit l’homme en lui passant une main dans le dos. Ce n’est qu’un hall qui bientôt servira à accueillir les clients et les invités.

– Quand même Pierre… Murmure Matéo qui commence à redescendre. C’est vraiment magnifique. J’ai l’impression d’être dans un château !

– Tu es gentil mon garçon. Tu sais, la plupart des clients potentiels sont des amis et comme moi, ils sont épicuriens et aiment participer à des fêtes mêlant plaisirs gourmands et désir de chair.

– Euh, excusez-moi Pierre, mais ça veut dire quoi exactement ‘‘picurien’’ ? Et puis qu’est-ce que vous entendez par désirs de chair ?

– D’abord on ne dit pas ‘‘picurien’’ mais épicurien : E-P-I-C-U-R-I-E-N déclare doctement l’homme, amusé par la naïveté de son jeune hôte. Et ça désigne quelqu’un qui recherche les plaisirs des sens et de la chair !

– Et vous Pierre, vous êtes aussi épicurien ? Et moi vous pensez que je peux l’être aussi ?

– Effectivement, je fais partie de cette catégorie de personnes épicuriennes. Tu en as d’ailleurs eu un petit aperçu un peu plus tôt, même si je n’avais rien prévu au départ. Quant à toi je ne me permettrais pas de te dire si tu l’es ou non. C’est à toi et toi seul de trouver tes centres d’intérêts et de plaisirs.

– Ben… Je ne sais pas si je le suis épicurien, mais j’avoue, même à regret, avoir ressenti aussi du plaisir tout à l’heure. D’ailleurs mon avant et mon arrière de culotte s’en souviennent encore, fait remarquer Matéo essayant de plaisanter de la situation, histoire aussi d’être agréable à son hôte.

– Si ça t’a plu, j’en suis ravi Matéo ! Mais essayons de parler d’autre chose pour le moment. Après tout nous sommes là pour que tu puisses te changer et te restaurer.

– C’est vrai, admet Matéo en revenant sur terre. Et puis j’aimerai surtout que nous discutions de l’emploi que vous proposez, Pierre.

– Voilà qui est bien parlé ! Dit Pierre de sa voix grave et enveloppante. C’est bien de ne pas perdre de vue les raisons de ta présence ici. Alors dis-moi, quelles sont tes compétences exactement ?

Matéo s’élance alors dans une longue dissertation sur ses connaissances et compétences en matière de cuisine, jardinage et entretien d’intérieur. L’homme l’écoute tout du long sans l’interrompre une seule fois. Il hoche la tête de haut en bas quand il approuve et de droite à gauche en faisant la moue quand il doute. Mais, remarque Matéo, il n’arrête jamais de sourire. Ça le rassure. Ça l’incite même à en dévoiler d’avantage sur lui-même, sa vie de famille. Il parle longuement de son petit frère Louis. Il décrit sa mère, sa gentillesse, son courage et les soucis financiers et administratifs auxquels elle fait face depuis le décès de Papa… A l’évocation de ce dernier, Matéo se tait soudain et baisse la tête pour dissimuler à l’homme les larmes qui lui viennent aux yeux. Il espère que l’autre ne s’en apercevra pas. Sans doute pour ne pas passer pour un gamin inconsolable… Sauf que l’homme le remarque et qu’il se comporte d’une manière très respectueuse et se montre formidablement doux et gentil en gestes comme en paroles.

– Hey Matéo... Ça ne va pas mon grand ? On peut parler d’autre chose si tu es d’accord ? Demande et prose l’homme en lui caressant doucement la tête.

– Non, non, Pierre. Répond Matéo d’une voix éteinte.

Il relève lentement la tête et plante ses yeux embués dans ceux de l’adulte. Comme s’il cherchait de l’assentiment, de la compréhension dans son regard. Surtout ne pas le contrarier. Encore moins passer pour un gamin immature et inconsolable. Déjà que son physique ne plaide pas en sa faveur… Pourtant il éprouve la furieuse envie de se blottir contre lui, comme il le faisait avant avec son père…

– Mais c’est bien Matéo. Tu m’as l’air d’un garçon débrouillard. Je pense que tu pourras faire l’affaire mon grand.

« C’est vrai qu’il est drôlement compréhensif et gentil » pense Matéo. « Il n’insiste pas, tu remarqueras. Simplement il te comprend et change de sujet revenant sur tes compétences. Peut-être que c’est pour que tu sois un peu moins triste ? » Enfin son voile de tristesse se déchire et s’estompe. Il est de nouveau bien.

– Mais est-ce que tu sais conduire une tondeuse-tracteur ? Demande l’homme.

– Euh, non, je ne vois même pas ce que c’est Pierre. Je ne me sers que d’une tondeuse normale.

– Alors il faudra que je t’apprenne, ou plutôt mon filleul t’apprendra ! Mais en attendant je dois quand même m’assurer que tu as bien l’âge que tu prétends avoir. Montre-moi ta carte d’identité. De toute manière je vais en avoir besoin pour te signer un contrat d’embauche.

– Mais j’ai vraiment l’âge que je vous ai dit avoir Pierre, s’énerve presque Matéo.

Cependant il n’en sort pas moins sa pièce d’identité de son sac et la tend à l’adulte qui la scrute minutieusement. Ce faisant il fait sortir aussi son livre ‘’ROY’’. L’homme s’en aperçoit mais ne dit rien. Pour le moment. Un peu honteux de faire savoir qu’il entretient de telles lectures, Matéo tente de remettre l’ouvrage dans son sac. Mais l’homme arrête son geste.

– Tu m’étonnes Matéo !

– Ah bon, en quoi ? Demande le jeune en se donnant un regard innocent.

– Je ne pensais pas que tu puisses être en possession d’un tel ouvrage. D’autant qu’il date de la fin des années soixante-dix. Où te l’es-tu procuré ?

– C’était à mon père. Je l’ai découvert dans ses affaires.

– Je vois… Mais tu comprends vraiment de quoi parle ce livre ?

– Ben oui, ce n’est pas compliqué Pierre !... C’est l’histoire d’un jeune ado qui rencontre un homme qui lui fait découvrir les plaisirs du sexe et du gain. Mais ça ne parle pas que de ça non plus. Cela raconte aussi la société américaine au début des années quatre-vingt.

– Effectivement je m’aperçois que tu connais bien ton sujet. Mais dis-moi, enfin tu n’es pas obligé de me répondre, après tout c’est une question personnelle… Que penses-tu de ce garçon, encore jeune, qui donne son corps à un homme pour de l’argent ? Tu sais ce que cela signifie en vrai ?

– Oui, oui. Enfin je crois… Matéo se tait un instant, tentant de trouver ses mots sans pour autant passer pour un gay. Roy, le personnage du livre, se prostitue et en même temps s’adonne aux plaisirs du sexe avec ses camarades. Après tout… (Poursuit Matéo cette fois tout sourire tant il est content de faire le lien avec le mot de toute à l’heure) Roy est certainement un épicurien…

– Et bien dit donc ! Je vois que tu as tout compris de l’ouvrage... Et c’est vrai qu’hormis le fait de vendre son corps à des hommes plus âgés, ce Roy est un garçon qui s’épanouit dans les plaisirs de la chair. D’ailleurs tu remarqueras qu’il n’en éprouve aucune honte, du moins globalement.

– Exactement ! Je pense même qu’il fait aussi ce qu’il fait pour défier le puritanisme de son entourage familial et social. Mais… C’est surement sa jeunesse qui fait qu’il ose faire ce qu’il fait… Et vous, vous en pensez quoi, Pierre ?

– Roy a bien raison de céder à ses pulsions de désir charnel. Et tant mieux s’il en tire quelque profit. Après tout, les seuls répréhensibles sont ces adultes, parfois pères de famille, qui loue ses charmes et son corps. Roy ne se sert d’eux que pour satisfaire ses envies de sexe et d’argent… Mais remarque qu’à la fin tout rentre dans l’ordre des choses.

– Ouais… Ce chef de la police est sans doute le pire des salauds. D’ailleurs à la fin il en paie le prix fort. Roy a eu raison de faire ce qu’il a fait puisque le Jack Sherman ne voulait pas lui rendre sa liberté.

– Sans doute as-tu raison sur son comportement. Mais Roy aurait pu faire autrement, non ?

– Si, j’y ai plusieurs fois pensé. Il aurait pu le menacer de le dénoncer publiquement. Ça l’aurait surement calmé ce flic !...

– Exactement ! Pour ma part je trouve cette histoire intrigante et excitante à souhait. Et toi ?

Silence gêné de Matéo qui réalise soudain qu’il vient de révéler un peu de sa personnalité profonde alors qu’il cherche à tout prix à la dissimuler. Sauf qu’il y a eu cet accident. Sauf qu’il s’est quasiment laissé violer un peu plus tôt et qu’il en a joui dans sa culotte. Sauf que l’homme assis à côté de lui ne le laisse pas totalement indifférent. Sauf que… « Oh bon sang il bande à fond !!! » Constate soudainement Matéo qui ne peut détacher son regard de cette grosseur impressionnante…

– Moi ? Demande innocemment Matéo.

– Oui toi ! Quel effet te fait cette histoire ? Tu peux tout me dire tu sais. Ça restera entre nous. Et crois-moi, je ne te jugerai pas !

– Ben honnêtement, je ne sais trop quoi en penser en définitive. Ce n’est qu’un roman. Même si je reconnais que je me suis parfois masturbé en lisant certains passages… Mais je ne veux pas être spécialement gay. Je veux être un jeune homme comme tout le monde.

– C’est ce que tu n’arrêtes pas de répéter. Mais tu viens pourtant de dire que certaines scènes du livre t’ont tellement excité que tu t’en es masturbé ! Peut-être qu’alors tu es un gay qui s’ignore ou que tu es attiré par le sexe pour de l’argent ? Encore une fois ce n’est pas un jugement que je porte sur toi mais plutôt un constat, une possibilité qui n’a rien de honteux si c’est consenti.

– Non, non ! S’écrie Matéo en se levant et se plantant devant Pierre le regard baissé vers cette barre épaisse qui semble n’attendre qu’une chose : qu’on s’occupe d’elle…

A son tour l’homme se lève et étale toute sa hauteur à moins de vingt centimètres du garçon. Il le toise de sa hauteur, lui sourit, les yeux brillants de désir.

« Oh mon dieu… » Se dit Matéo soudainement effrayé et tenté.

 

« Il ne va quand même pas… » Pense-il en se disant qu’il n’est pas sûr de résister.

Par Krampack - Publié dans : L'histoire de la semaine
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